De l’érable pour une Les Paul Junior
Quand l’ordinaire est… d’exception
Il existe des informations concernant le monde de la guitare qui ne sont connues que de quelques dealers, experts, collectionneurs, et qui sont tellement confidentielles (les atrabilaires corrigeront et écriront : sans grand intérêt !), qu’elles passent rarement le cap des guides en tout genre publiés par le sujet. Considérez par exemple la guitare ci-jointe. À première vue, il s’agit d’un modèle construit par Gibson à partir de la mi-1954, la Les Paul Junior. Construite sur la base d’une planche plane, sans table rapportée, cette guitare était équipée d’un simple pan coupé, d’un micro P-90 unique et d’un ensemble chevalet-cordier monté sur piliers. Une plaque imitation écaille et une belle ornementation sunburst finissaient joliment ce modèle bien connu des amateurs. Cette guitare pourrait donc paraître bien banale, même si les modèles de ce type, pas si courants que ça, sont particulièrement recherchés par les musiciens et par les amoureux de guitares anciennes. Mais un œil exercé saura, même à partir d’une photo comme celle-ci, distinguer cet exemplaire particulier des autres, que l’on peut trouver régulièrement dans les stocks des échoppes vintage.
Attardez-vous sur le bois constituant le corps de cette guitare, dont le grain apparaît nettement sous la finition sunburst. Que constatez-vous ? Une veine incurvée et large, qui court de façon désordonnée sur l’ensemble de la table. Un regard exercé saura reconnaître l’érable, une essence fine et dense utilisée par Gibson pour construire les tables des Les Paul Model à l’époque. Or, les corps des Les Paul Junior étaient, eux, uniformément construits à partir d’un bloc d’acajou, aisément reconnaissable à sa teinte sombre, son grain resserré et constant. Pourtant les tout premiers exemplaires de Junior avaient été construits en érable, ce que beaucoup ignorent, et qui est rarement mentionné dans les guides sur le sujet (même le fameux Gruhn’s Guide to Vintage Guitars omet de mentionner ce détail).
Ces exemplaires ont généralement un corps construit avec deux pièces d’érable jointes en leur centre, et ne sont pas particulièrement plus lourds que les consœurs acajou (aux alentours de 3,5 kilos). Mais le son, on s’en doute, est bien différent, plus centré, plus aigu, et plus ténu. La rumeur prétend que la Junior de Keith Richards serait de cette essence, à vérifier… Douze exemplaires de Junior de ce rhésus auraient été construits. Cent fois plus rare qu’une Standard de la grande époque, donc !
Encyclopédie de la guitare – T1- Fender
Encyclopédie de la guitare – T2- Gibson Acoustiques
Le site de Christian Séguret